François Ozon aborde avec délicatesse le traumatisme des victimes de prêtres pédophiles et questionne le silence accablant de l'église catholique.
C’est en découvrant le site de « La Parole Libérée » que François Ozon a eu envie de raconter la naissance de l’association des victimes du père Preynat pour « faire un film sur la fragilité masculine ». Loin de réaliser un portrait à charge contre l’Eglise catholique, le cinéaste respecte les faits véridiques, mais s’autorise certaines libertés afin de créer des « héros de fiction » pour raconter « l’histoire de leur point de vue de victimes ». S’il interroge bien le silence coupable du clergé, Grâce à Dieu s’attache davantage à traiter du lien – inévitable pour les victimes dans cette affaire – entre le traumatisme et la foi. Ils sont trois. Alexandre, François et Emmanuel. Trois hommes d’une quarantaine d’années que rien ne rassemble, de leur parcours à leur milieu social, et qui pourtant partagent une histoire commune qui se résume au simple nom de Preynat. Si l’enfance est désormais lointaine, l’outrage qui lui a été fait demeure indélébile. Ce traumatisme toujours à vif, Ozon l’exprime par quelques flash-back qui restent suggestifs. Car le pouvoir n’appartient pas ici à l’image, mais à la parole qui va lentement se délier. Ce travail nécessaire du temps, le cinéaste l’inscrit à même la structure du film : un par un, il suit chaque homme dans son parcours intime vers ce chemin libérateur, parfois soutenu, d’autres fois entravé par les proches. Jusqu’à ce que tous se rencontrent pour, avec de nombreuses autres victimes, combattre d’une voix commune. Devant la caméra, Denis Ménochet, le corps massif et l’oeil tendre, Swann Arlaud et sa fragilité nerveuse, la sensibilité d’Éric Caravaca, et la mélancolie délicate de Melvil Poupaud impressionnent. Dans ces visages habités, le pouvoir de l’image s’installe. François Ozon y décèle cette vulnérabilité poignante, non divine mais profondément humaine, qu’on appelle la grâce.
3 bonnes raisons d'y aller :
1. Pour la sobriété de la mise en scène
Provocant (Jeune & Jolie), inquiétant (Swimming Pool) ou potache (Potiche), Ozon aime à surprendre. Ici, il trouve une alliée redoutable dans une construction classique tout en retenue. Jusqu’à la dernière scène dont la mélancolie saisit d’émotion, sans crier gare.
2. Pour son trio d’acteurs
Melvil Poupaud, Denis Ménochet et Swann Arlaud incarnent avec puissance ces hommes fragilisés qui décident de se battre pour briser la loi du silence. Les trois acteurs aux physiques disparates et aux sensibilités diverses bouleversent de pudeur et d’intériorité.
3. Pour la parole libérée
Fidèle au nom de l’association – réelle – fondée par les protagonistes, Ozon montre le long et difficile chemin qui permet à la parole des victimes d’abus sexuels de se libérer et souligne combien la verbalisation est salvatrice, si dure soit-elle à entendre.
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